Cocktail explosif à Bariloche

Les Cuevas de los Manos nous laissèrent un peu rêveurs, l’esprit s’interrogeant encore des motivations de ces peuples primitifs pour ces pochoirs rupestres, de leur compréhension du temps qui passe et de la trace qu’ils laissent, et à savoir s’ils imaginaient que 8000 ans plus tard, des dizaines de smartphones répliqueraient leur oeuvre sur des réseaux sociaux sans leur consentement, tout ça… Gros niveau de philosophie, donc. Et ca tombe bien car il nous faut maintenant enchainer quelques jours de bitume où penser est l’activité recommandée, de ces jours où l’on passe le  plus clair de notre temps dans la cabine de notre bon gros GEO, avec de longs moments de méditation, bercés par la jolie voix du V6 et lignes droites grisantes de cette ruta 40. Et puis il y a aussi des sursauts d’activité, voire d’euphorie collective, quand chacun sort de sa torpeur au même instant (quand on a faim, souvent), et que la playlist nous gratifie d’un tube familial.

A photos de ce bout de chemin se trouvent ici (Trevellin) , (Bariloche), ou encore (Jineteada).

Trevellin, c’est pas trop vilain

Trevellin, c’est le gros patelin à la sortie d’Esquel. Et Esquel c’est la prochaine et ultime grande ville sur notre trajet avant Bariloche. Esquel,ville toute tournée vers la montagne et offrant un catalogue complet d’activités pour ceux cherchant des vacances sportives en altitude…

Sauf que nous, on n’est pô en vacances! Alors on lui préfère sa petite soeur sus-mentionnée, qui elle a choisi d’être orientée gastronomie et se couvre de vignobles, comme celui dans lequel nous passerons 2 nuits. 

Pour parvenir à cette pause viticole, promettant verdure et douceur de vivre, il faut 2 jours. 

Je passe sur le premier jour tant il fut barbant. Route plate, vent, désert, … même les guanacos ont définitivement quitté notre décor, eux qui nous ont accompagnés par millions jusqu’ici et pullulent encore à peine 200km plus au sud (où ce sont pourtant les mêmes décors qui sévissent… Allez comprendre, c’est sélectif, un Guanaco).

A peine décrirai-je le premier soir, à Rio Mayo, où nous eûmes la chance de débarquer bruyamment sur le parking du gymnase, sous les yeux écarquillés de la populace qui se rendait au match régional de foot-salle qui avait lieu là. Le match, ça nous a changé de la télé, qu’on n’a pas.

Le second jour, lui, nous offrit un réel changement en fin d’après-midi., à notre arrivée a Esquel donc, avec des dénivelés et une végétation tout montagnards, presque savoyards. ET ça fait plaisir!

A Trevellin, boudés malheureusement  par la météo qui ne nous donna que de la pluie, nous sommes restés bien au chaud dans notre bodega-camping 4 étoiles, au sein de notre douillet camion, cernés par du raisin d’un coté, et des sanitaires à l’eau chaude 24h/24 de l’autre. Bonheur. Journées mises néanmoins a profit a faire des lessives, manger des frites, regarder quelques films, et manger d’autres frites (et l’école aussi…hein, on n’est pas en vacances). Une vraie bonne pause de fainéants sans objectif. 

Parque Nacional Los Alerces. 

L’étape suivante, c’est le parque Nacional Los Alerces, qui pourrait nous accueillir quelques nuits tant il est grand et gavé de lacs et de montagnes aiguisées… et donc de routes en lacets. Comme on y arrive un peu tard (bon, en vrai, nous voulûmes passer après l’horaire de fermeture du poste de garde, pour rentrer gratos, ça marche à tous les coups), il fait presque nuit. Et même carrément nuit quand on entame le dernier segment de piste, dont le flanc gauche est dangereusement doté d’un a pic qui plongerait Geo et ses occupants dans le lac en contre bas à la moindre incartade. On décide sagement de s’arrêter là, rebrousser chemin en marche arrière et en pente dans cette nuit noire, Marie, dehors, m’aidant dans la manoeuvre en criant systématiquement « contre-braque », quel que soit le mouvement préconisé (alors que je ne braquais même pas, hé !).

On dormira finalement 2 nuits dans un large camping valloné et en bord de lac, joli, très arboré et quasi vide comme la plupart des campings ici. Petite rando sans prétention vers la cascade du coin (mais première randonnée entière pour Elisa qui épargna le dos de Papa… on avance), parilla, feu de camp, tentative de pêche feront le programme.

Samuel et Jules se feront des copains de foot, Lucas y Angel, des rosariens pure-jus qui nous embrouillent avec leur jeu de jambe, là. pfff. SI j’avais 20 ans de moins, moi aussi je le ferais le coup du pied qui tourne et tout…

Bariloche

Et puis voilà, après une dernière journée de route sinueuse, montante et descendante à souhait, d’un arrêt pipi à El Bolson, nous voilà à quelques encablures de Bariloche. Au site de Los Boqueanos situé en bord du lac Gutierrez pour être plus précis. Et là attention, carte postale, les amis. Les lumières de Bariloche scintillant timidement au loin sur la rive d’en face, la montagne Cerro Catedral, si grande, imposante, et si proche, nous couvant du regard, et tombant à pic dans le lac à nos pieds, l’eau aussi pure et turquoise que froide et translucide dans laquelle le regard plonge a plusieurs dizaines de mètres. Ce sera le théâtre de notre semaine (j’ai bien dit semaine) à Bariloche, entrecoupé d’aller-retours à cette dernière, très touristique, tres animée,  très chocolatée, pour acheter là du matériel de pèche, ici une housse de guitare, refaire la gouttière dentaire de Sam, ou encore tenter (en vain) de faire réparer l’écran de l’ordi (conseil technique: ne pas reclaquer un portable quand il y a quelque chose de dur dedans)…

J’avoue que contre toute attente (nous pensions Bariloche un brun surfait et incapable de nous offrir du temps de nature sauvage et de calme), ces 7 jours de pause furent l’un des arrêts les plus reposants. On y a péché, barbecuté, on a sorti le canoë, on s’est reposé, fait du cheval… et on a fait de très belles rencontres !

D’abord les chtis, Alexandra et Sylvain et les 3 enfants, sur leur itinéraire patagonien avant des contrés plus chaudes qui se sont fendus d’un écart pour venir passer la journée avec nous autour d’une viande qui grille et d’une bière qui mousse. Ils sont du ch’nord, comme nous, sont 5, comme nous, et voyage au long court, comme nous. On les avait croisés à El Chalten en coup de vent pour échanger des livres. On devait se revoir. On tient parole, c’est chose faite. Une belle journée entre amis, loin du covid et des élections (on vous fait rêver, hein !), où les enfants s’auto-gèrent (enfin on espère), que demande le peuple? Quand on se reverra les gars, ce sera sans doute plus près de Roubaix que que Bariloche, avec un welsh au lieu d’un chorizo. Ce sera bien quand même 😉

Jineteada, hombre! 

Un gros défaut de Marie, c’est son insistance. Et une grande qualité de Marie, c’est son insistance aussi. 

Cela fait plusieurs mois, depuis ce jour de ruta 3 direction Rio Gallegos où Jules subtilisa dans une station service un magazine avec un cheval cabré sur la couverture, au moins aussi vieux que les sandwiches sous le verre du comptoir (le magazine, pas le cheval cabré) que Marie veut voir un spectacle de rodéo argentin, une Jineteada.

Depuis, elle demande, elle interpelle, se renseigne, enquête: où peut-on voir une Jineteada s’il vous plait ?

Et il se trouve qu’au Nord de Bariloche, ce week-end, il y a une famille, la famille Acuna, qui dans sa grande mansuétude propose chaque année une Jineteada grandiose où se ruent tout ce que la région compte de campésinos, de gauchos et gauchitas.  2 jours de spectacle, où des chevaux spécialement dressés (ou plutot précieusement gardés de tout contact affectueux avec l’homme) éjectent à coup de rein et sans vergogne du cavalier prétentieux à tour de bras, devant des centaines de paysans venus assister au show en avalant des litres de Fernet Branca.

E-xac-te-ment-ce-qu’on-voulait.

Et quelle journée ! Un évènement on ne peut plus local qui fit plus que nous divertir, il nous émeut.

Imaginez un grand cirque de sable doté de 3 poteaux à chacun desquels on attache court et  fermement toutes les 2 à 3 minutes environ un nouveau cheval, excité, effrayé, aux muscles tressautant, les yeux bandés. Toute la journée, les courageux gauchos, enchemisés, boïnas sur la tête, éperonnés et tremblotant, se succèdent pour découvrir leur monture pour les prochains (courts) instants. Objectif : tenir 8 secondes sur ces boules de muscles, en résistant aux plus belles ruades possibles qu’ils appelleront de toute leurs forces en cravachant l’arrière train du bidet en brâmant  « ya! ya! »   (la note du rodéo de chaque cow-boy dépend plus de la dangerosité de la cabriole que du maintien en selle).

Ces preuves de bravoure, presque hypnotiques, s’opèrent à un rythme soutenu et au son des sérénades tristes et lancinantes qu’un groupe gipsy chante à la gloire des gauchos et à la beauté des traditions. Le groupe ne s’arrête jamais de chanter de toute la journée (les chanteurs se relayent pour ne pas casser cet accompagnement sonore partie intégrante du spectacle, l’ingrédient qui donne la chair de poule). 

Le soir, un concert sera donné pour dégourdir les guiboles des spectateurs ayant cuit toute la journée, et ou viendra chanter la jeune et jolie Sere Vela, star paysanne de la patagonie occidentale, dont nous fredonnons le « Me dueles » encore aujourd’hui avec un tremolo dans la voix et l’image d’un cheval tordu de rage dans les yeux

Les fous, les fous !

Une dernière rencontre extraordinaire viendra parachever cet arrêt Barilochien qui n’en demandait pas tant: Cécile et JP. Et leurs 3 chevaux. Et leur chien.

Ces fous (oui, fous) venant de Bretagne remontent la Patagonie … à cheval ! Il ont dégoté leurs montures à El Calafate et ont pour ambitieux objectif de les amener à Mendoza en quelques mois, à travers ces paysages que l’on devine nous depuis la cabine, loin de la route, la-bas, derrière les montagnes et qui nous absorbent les jours de route… Nous sommes tous sous le coup d’une admiration sans borne, imaginant difficilement ce qu’ils peuvent vivre au quotidien, les paysages silencieux et vides qu’ils doivent emprunter et ou seul le vent amène mouvement dans les herbes hautes, les rencontres hors du commun qu’ils doivent faire avec les gardiens d’estancia solitaires qui leur offrent l’hospitalité d’un bout de grange et d’un morceau de cordero patagonico, la rare et incessible complicité qu’ils doivent tisser avec les 3 courageux chevaux et Pampa, le chien qui ne les lâche plus depuis 2 semaines et est maintenant un membre intégral de cette famille bizarrement composée.

Les enfants, qui ne parlent que de voyage à cheval depuis Montevideo, sont extatiques, à limite de l’apoplexie, et les submergent de questions auxquelles ils répondent si gentiment. Jules prend méthodiquement des notes dessinées, le matériel qu’il faut, les trajets à préférer… Il ne manque plus que la bible d’Emile Brajet pour finir de les préparer. Nous passâmes 3 jours ensemble, à boire leurs histoires comme du petit lait, et à rêver du jour où nous aussi, nous rejoindrons sur les routes Samuel, Jules et Elisa qui ont promis-juré de partir un an en voyage avec Galaxia, Bonita et Guapa (souvenez vous, les chevaux de Montevideo)

C’est sur ce petit nuage que seuls les voyages atypiques maintiennent dans le ciel que nous remontons dans Géo et avalons l’asphalte qui nous fera traverser la région des 7 lacs, au nord, avant de nous poser à Mendoza.

Ce que nous ne savions pas, c’est que les rencontres ne faisaient que commencer et qu’elles donneraient une saveur si douce aux jours suivants, rendant l’aventure au moins autant humaine que gégographique.

Mais ca c’est une autre histoire.

Les photos de ce bout de chemin se trouvent ici (Trevellin) , (Bariloche)  et (Jineteada).

Stay tuned ! 

Une réponse à “Cocktail explosif à Bariloche”

  1. […] bébé, Brisa. Le lieu nous a été recommandé par Alexandra et Sylvain (rencontrés à … Bariloche ! Ca date !) et devrait nous ravir. A […]

Laisser un commentaire