Hasta Mendoza – En route vers le Malbec
Sur la route qui nous arrache à Bariloche, on comprend quelque chose. Que c’est bien plus qu’à la « Petite Suisse » que nous disons au-revoir. On a la ferme impression de quitter la Patagonie pour de bon même si la frontière officielle n’est pas très claire pour nous. La route des 7 lacs nous tend l’asphalte et nous lance vers Mendoza et ses terres viticoles. Et là, ca en sera fini de l’aventure patagonienne qui nous faisait fantasmer dès les préparatifs de ce voyage. Une forme de nostalgie nous envahit alors. Fini l’isolement parfois angoissant, l’hiver permanent, les distances inimaginables, les mers de cailloux foulées par les courageux Guanacos, les terres constamment séchées par des vents à rendre fous, au milieu desquelles les villes, petites, dispersées, recroquevillées sur elles memes, font office d’îles salvatrices où les voyageurs au long court comme nous reprennent des forces et font des provisions.
Bon, en bref : bye bye Patagonie et Salut Nord Ouest Argentin, ca va, toi?
Les photos de ce bout de chemin se trouvent ici
Route des 7 lacs.
La route des 7 lacs est vraiment belle, il faut se le dire. Elle n’est dotée d’aucune ligne droite et serpente doucement dans une nature bien touffue et sauvage. Elle a quelques allures hélvètes, même, et nous gratifie de côtes et descentes entre des sommets bien pointus couverts de foret et de lacs de montagne immenses. Il y fait d’ailleurs froid et le givre s’accroche fébrilement aux bords de la route jusqu’en fin de la matinée. Geo-le-camion met quelques dixièmes de secondes de plus à emballer son V6 lors du coup de clef du matin, c’est pour dire.




A notre départ de Bariloche, après une journée sur ces lacets éprouvants pour les freins, nous nous arrêtons dans un petit camping en bord de lac. Des campings mignonets, il y en a moulte, mais ils n’offrent que peu de service, voire pas. Il n’y a par exemple personne dans le nôtre pour nous ouvrir la barrière ce soir là…Pas de gardien, pas de prix, c’est gratuit.

On roule ensuite pas mal les jours qui suivent. Sur le chemin, la bourgade de San Martin de Los Andes, très (trop) connue comme la plaque tournante de treks savoureux dans les environs et qui grouillent à n’importe quelle heure. Nous, on ne fait que passer, on y achètera en un temps éclair des céréales, des hameçons, et on mettra les voiles, pour s’arrêter plus loin, à Junin de Los Andes. Belle visite de l’impressionnant parc de la Via Christi (dont le point d’orgue est une sculpture de verre du Christ adossé à la colline et d’une bonne 50aine de mètres de long), et le soir, on le passera au bord d’un lac surplombé du volcan Lanin, aux abords du Chili, au prix d’une petite 15aine de kilomètres de piste, dans un « camping » (= une haie avec un robinet). L’occasion d’essayer mes nouveaux hameçons qui me rendront gros et gras a n’en pas douter (bon, évidemment, on finit bredouille avec les pied gelés).








Le lendemain, on se cogne une énorme journée d’asphalte. La route a retrouvé sa rectitude et est deja bien plus plate que la veille. On s’éloigne de la Cordilière et ca se sent. Ce qui n’arrange rien à sa monotonie, la route ne traverse pas grand chose. A noter qu’on s’arrêtera tout de même à Zapala, ville pas tres jolie (désolé les zapaliens) mais ou la populace semble apprécier les visites : la panaderia offre les empanadas aux pauvres voyageurs que nous sommes, et on se fait inviter, la bouche encore pleine, à assister au spectacle de l’école du coin qui manque désespérément de spectateurs (on est 10, pauv’ bout de chous), et notre bon coeur nous fait rester à ce show dont on ne comprend rien.




Nous partons tout de même en catimini reprendre la route. Et arrivons à Chos Malal à la tombée de la nuit. On s’immisce dans le camping municipal, en essayant de réveiller le moins de monde possible et on tombe sur … une 4L ! une belle 4L orange (hm-hm), plaques francaises s’il vous plait! Intrigués, nous nous approchons des occupants, et faisons la connaissance de Flavian et Damien, 2 basques dont le projet fou est de relier Ushuaia à l’Alaska… en 7 mois ! 7 mois, les cocos?? Va falloir rajouter des ailes à votre titine, les gars.







On sympathise autour de la bête, discutant carbu et cylindres, bientôt rejoints par Rodrigo et Claudia, un couple d’argentins adorables en road trip pendant les vacances.
Quand on repart le matin, avec quelques conseils en poche de Rodrigo, (il est mecano), la 4L est deja partie vers son destin bitumeux… Mais, preuve qu’on n’est pas si escargot que ca, on les recroise plus loin sur la route, à Barracas, ville quasi-fantome, sous le soleil ardent. Ils peinent au moins autant que nous sur les douces mais longues pentes de cette route de semi-altitude. Eux aussi ils repassent la seconde par moment, eux aussi font chauffer les entrailles de leur bouzin plus que d’habitude (on monte a 150°C quand meme… une première), et eux aussi ont un pot d’échappement qui crache bien noir. C’est d’ailleurs à une pause café/refroidissement de moteur, alors qu’on se décide à faire un bout de chemin ensemble, entre vieux tacots, que l’on est rattrapé par Rodrigo et Claudia, tout sourire de retrouver los franceses. C’est un signe, qu’on se dit, et on se décide de manière collégiale à garder ce convoi atypique sur les 90 prochains kilometres, une piste inévitable à gros cailloux (un de ces ripios bien feo) qui, sans se l’avouer, nous rend tous un peu fébriles. C’est du reste après à peine 45 km, tout vibromassés, fatigués et le soleil déclinant, que l’on s’arretera en plein milieu de ce chemin éreintant, en bord de rivière, pour bivouaquer ensemble. Feu de camp, séance de peche collective (non, non, toujours rien… je vous dirai), gros repas arrosé, sous des étoiles plus présentes que jamais… De ces rencontres éphémères que seule l’itinérance permet.








C’est à Malargue, lendemain, que nos argentins du moment nous quittent pour aller plus à l’Est, laissant les francais sur leur route vers Mendoza. Sauf qu’ils ont du être pris de remords car en fin de journée, après une longue route solitaire et à quelques encablures de Mendoza, les revoilà ! ils nous doublent en klaxonnant, éxités a l’idée de repasser une soiree ensemble. On se saute dans les bras comme si on s’etait manqué des années (ca fait a peine 5 heures, hein) et on dort ensemble a San Carlos, dans un camping tenu par un francais bourlingueur, (Bruno, ndlr), avec re-gros repas (milanesa ) et re-bières.




Mendoza
Le lendemain, c’est la bonne, le convoi se sépare et en quelques heures a peine, le gros Escargot Orange, s’installe au soleil couchant dans la banlieue de Mendoza sur un terrain de foot. On est crevé, et décidément demain, je vais au garage faire verifier la pompe injection pour comprendre ce qui fait fumer GEO comme une parilla.
La visite chez le dieseliste, qui ouvrira le capot de GEO et testera chaque injecteur (j’avais jamais vu les boyaux de notre bébé, c’est impressionnant tout ce qui se passe sous le capot) se soldera par un verdict positif: R-A-S! Si ca crache ses poumons en altitude, c’est normal, et il va falloir s’habituer. Mine de rien, je suis soulagé.




On va pouvoir se poser l’esprit tranquille, dans un camping aussi mignon qu’exigu, pour profiter d’une belle pause urbaine dans la ville de Mendoza qui nous laissa, il y a 12 ans, un bon souvenir plein de tanins. Dans le camping trônent 2 gros camions comme le nôtre. Deux couples d’allemands. Du coup, on partage des tuyaux de routiers sur les pneus, les collecteurs d’échappement, etc.. vous pouvez pas comprendre…
Au final, la pause à Mendoza sera un rien frustrante. Plus efficace qu’épicurienne. Plus pratique que reposante. On fera quelques courses en ville, on remplira quelques missions d’ordre mecanico-electrique : verifier l’injection, donc. mais aussi changer le filtre à air, refaire faire un cable de compteur kilometrique, installer de nouveaux ventilateurs et lumières dans les lits des enfants, tenter de réparer ce *$#@ écran de Macbook, faire des lessives… Elle nous aura certes permis de préparer confortablement la suite dans une atmosphère agreable et détendue, offrant tout l’espace et le temps dont nous avions besoin pour cela, mais nous n’avons pas profité a fond de ce qu’elle avait a nous offrir. Je me voyais déjà, pédalant et sifflotant en famille au milieux des vignobles, un malbec à la main… rien de tout ca ! Nous en garderons un souvenir définitivement moins festif, plus calme et studieux qu’il y a 12 ans.
Nous garderons tout de même en tête les quelques ballades agréables et gourmandes ici et là, en centre ville ou dans l’immense parc XXXX qui rythmèrent la semaine, la journée d’anniversaire de Jules, qui avait choisi pour activité (car en camion, anniversaire = une activité + un petit cadeau) la visite du musée des reptiles, et qui nous donna l’occasion d’un gouter d’anniversaire et de souffler des bougies au parc. Il grandit bien le pépère…
















En fin de semaine et pour clôturer cette parenthèse sédentaire, nous passerons la soirée du dimanche avec Pablo, un des mécanos diéselistes qui m’a gentiment accompagné toute une journée dans ma recherche de filtre à air dans la tentaculaire Mendoza. Tout ca pour pas un rond, juste pour rendre service… Une crème, ces argentins. On se dit alors que Nord de l’Argentine est pour l’heure tout aussi accueillant que la Patagonie.
Et il nous faut repartir !
Nous sommes prets! On veut bouger, meme. Une semaine au meme endroit, c’est ce qu’il faut pour nous mettre des fourmis dans les jantes. Les reservoirs d’eau sont pleins, le gazoil aussi. Demain, on ira à Cacheuta, à une heure d’ici, où coulent des eaux chaudes et où Marie et moi avions passé 2 jours luxueux dans un hotel Spa il y a des lustres.






Sur le chemin, une petite voix nous interroge: Est-ce une bonne idée de retourner sur le lieux des bons souvenirs?
On verra bien !
Et vous aussi, dans le prochain episode
stay tuned


Les photos de ce bout de chemin se trouvent ici