Pérou. La remontada.
Nous étions enfin arrivés sur les rives de l’océan pacifique. Nous en rêvions depuis des semaines, et ca y est. A partir de maintenant, le voyage change de physionomie pour de bon avec cette ligne droite qu’il nous faut prendre direction Nord, traversant Pisco et Lima. Finies les altitudes folles, le souffle court, l’air sec. Y’a plus qu’à profiter! Quoi que… les premiers arrêts de la côte péruvienne centrale, sale et bruyante, n’offrent d’abord que des déceptions. On ne s’y sent pas en sécurité et préférons la laisser derrière fissa. Le nord, plus calme et désert, s’avèrera bien plus accueillant et nous proposera quelques bons spots de détente et découverte comme Tortugas, Los Organos, puis enfin Zorritos en lisière d’Equateur. On sera alors à quelques encablures de ce prochain pays, tellement plus vert et touffu, dans une quinzaine de jours. Vous venez?

Vous trouverez les photos de ce bout de chemin ici
Le fail Pisco
Paracas.
Nous sommes arrivés la veille dans cette mignonnette bourgade balnéaire une banane accrochée au visage. Et on se lève de la même manière, prêts à boire cet océan pacifique si envoûtant. Mais avant de s’emballer, capucchino et jus de fruits en bord de mer. Et nous nous offrons un petit tour en bateau pour découvrir les environs du port et finir de se convaincre qu’on y est. Enormes pélicans et frégates par centaines, lions de mer malodorants occupant une épave couverte de guano, les acteurs sont en place. Le tout dans un écrin de belles vagues de ce Pacifique que nous goutons pour la première fois avec la satisfaction béate des finisseurs de marathons.









Ce soir, nous dormirons un peu plus loin sur la côte, à Pisco. Les gardes de la péninsule de Paracas (réserve nationale protégée à deux pas d’ici où l’on pensait s’incruster discretos) nous ont interdit l’accès pour la nuit au parc national. Mais comment nous ont-ils repéré?
A peine 15 minutes d’une route plate et droite nous amène à la grosse ville qui donna son nom au délectable cocktail Pisco Sour.
J’imagine alors une ville toute en finesse, remplie de vestiges coloniaux, où le breuvage doux-amer coule aux fontaines publiques sous l’ombre de palmiers traversée par le vol de somptueux aras venant se poser sur nos épaules (ok, je mets la barre un chouia haut).
Perdu! c’est une ville qui fut entièrement détruite par un tremblement de terre en 2007 et a été reconstruite de manière malpropre. Rues défoncées, bâtiments crasseux, ambiance tendue. C’est peu de dire qu’on n’a que très peu gouté cette ville. Ca zone, les policiers font du zèle, tournent autour du camion, nous posent les mêmes questions 3 ou 4 fois dans l’après midi. Pourtant, cette ville borde une plage du pacifique longue, belle et sauvage et le marché quotidien, bruyant et savoureux, mériterait une journée à lui seul. Il y avait du potentiel.







Mais quelle ambiance patibulaire la nuit tombée ! Surtout aux alentours de notre spot ! Crade, ouvert aux 4 vents, aucun éclairage, habité de meutes de chiens pouilleux qui hurlent pour… pour quoi d’ailleurs hurlent ils ces sales klebards ? Sans compter les sirènes de pompiers et police qui nous viennent de la ville jusqu’au matin… Nous reviennent alors les mises en garde d’une poignée de voyageurs au sujet de la facade maritime du Pérou : “Attention les cocos! corruption, violences aux abords des grandes villes, saleté…” La dessus, on confirme, pour le moment, c’est du niveau bolivien, voire pire. Et vous comprendrez que l’on doute finalement un peu de notre 6ièeme sens ici. On ne reste que 2 nuits à Pisco et décide d’enchainer quelques jours de route direction Nord.
L’Equateur en ligne de mire, on met les gaz. Ce pays est actuellement en proie à de sérieuses révoltes paysannes, bloquant beaucoup d’axes principaux et laissant parfois les camions poireauter une journée ou deux avant de passer. Mais d’ici qu’on y soit, une bonne semaine à vue de nez, ca aura changé, non?
La pause Tortugas
Pour cela il va falloir rouler! le Pérou c’est près de 3000 kilomètres de côte, longés par le ruban de la panaméricaine, cette 1×1 voie (rarement 2×2) submergée de camions énormes et vénères qui font passer le notre pour une hotwheels à friction.
Après un arrêt an banlieue pour acheter du Pisco (alcool à 40°, je rappelle) sur le bord de l’autoroute (la marchande insiste pour que je les goûte tous avant de choisir… heu ca va aller, il est 10 heures du mat, madame), nous faisons un truc qui nous tarabuste depuis longtemps: se débarrasser des vélos qui alourdissent le camion, déforment l’arrière de la cellule, et soyons honnêtes, n’ont que très peu servi (la faute aux prix des taxis en Amérique du Sud, aussi ! Juré, nous, on voulait pédaler, hé !)
Nous trouvons un orphelinat pour cela. Ca fera des petits heureux, qui peut-être gagneront le Tour de France dans 15 ans.


Et zou, on roule. On veut passer Lima aujourd’hui (et ne surtout pas s’arrêter dans ce mastodonte) et pour cela, il n’y a pas de temps à perdre.
Nous mettrons 3 heures pour traverser cette agglomération de 12 millions d’habitants. Ca avance cul-à-cul, ca queue-de-poissonne, ca klaxonne, ca enfume. Ma stratégie? Se caler sur une voie et n’en changer sous aucun pretexte même lors de bataille de regards… Et c’est le plus gros qui gagne.
Tout se passe sans encombre et en banlieue Nord, nous nous calons dans une caravane interminable de camions rejoignant la côte. Pour la nuit, nous trouverons une cochera (parking de routier) à une centaine de kilomètres de Lima, le bar d’en face vend des frites, j’appelle ça un arrêt réussi.
Et le lendemain, au final d’une interminable et morne journée de “désert à droite, océan à gauche”, nous décidons, un peu à l’improviste, de prendre une des rares routes qui rejoignent la côte toute proche. Pour voir.
C’est ainsi que nous débarquons à Tortugas, petite ville endormie (dans le coma?) dans laquelle règne un calme et silence olympiens. Epiceries désertes, très peu de gens dans ces quelques rues battues par les vents. Un charme certain. Nous nous y posons. Un batelier nous monnaye un tour sur son esquif pour découvrir les pingouins (?) et phoques squattant les environs. La mer est grosse mais cette sortie nous fait un bien fou. Fallacieusement, il n’y a pas de tortue ici. Le nom du patelin vient de la grosse île d’en face, à la vague forme de tortue.













On y est bien finalement, à Tortugas. Le lendemain, c’est la fête des papas et j’ai bien envie de m’octroyer une journée sans rouler, tiens. Pas besoin de forcer pour convaincre tout le monde de passer une journée “plage”, même si l’eau est très fraiche et la baignade optionnelle. Et puis on fera des cookies, alors…
Los Organos
L’étape suivante, elle, les a, les tortues!
Deux jours de route désert/océan et d’arrêts pour la nuit sans intérêt nous amènent au village de Los Organos. Village d’abord de pêcheurs, mais tout de suite après de tourisme, Los Organos nous a plu tout de suite. Il est petit, accolé au pacifique et bien plus calme que Mancora plus au nord, où vont s’entasser les apprentis surfeurs du Pérou pleins d’abdos arrogants.
Nous nous posons en front de mer pour la bagatelle de 5 jours! Posés juste là, entre un restaurant, qui aura nos faveurs tous les matins, et le petit poste de Police. L’école pas loin accueillera même Samuel qui n’a pas froid aux yeux et s’incruste dans la classe de CM1 locale pour la journée. Le blondinet fait des curieux. Et des curieuses?
C’est ici aussi que nous rencontrerons en chair et en os la famille de LaBelleAventure, Cyrille, Myriam, Noémie et Sebastien, avec laquelle Marie échange et surtout reçoit, des bons plans régulièrement. On se suit (rhoo, à 1000 km près) depuis des mois sans jamais se croiser. Ils ont 2 enfants, sont aussi sympas que nous, vont dans la même direction, et veulent aussi faire une pause plage-bière à ce moment là. Ils sont accompagnés par les Oréo, une famille belge qui ramène 2 enfants de plus à l’équation et que l’on recroisera plus loin. Bien plus loin.
A 7 marmots, autant vous dire qu’on a largement passé le seuil au-delà duquel les enfants sont autonomes (non?) et nous pouvons, chose rare ces dernières semaines, nous octroyer du temps entre adultes sur quelques jours. Apéro, burgers, ballades sur la plage. Glander en groupe, c’est décomplexant, non?
Los Organos, c’est aussi notre première rencontre avec les tortues. Elles sont énormes, pas farouches, et ponctuelles. Elles viennent chaque jour par dizaines accueillir le retour des pêcheurs qui vident leurs poissons à l’heure du déjeuner. Pour nager avec elles, rien de plus simple. il suffit de se frayer un chemin parmi les centaines de pélicans qui squattent là et slalomer entre les jets chirurgicaux de guano qu’ils nous envoient depuis la rade. Ils nous visent ou quoi?
Dans ces belles vagues dignes de Baywatch, Jules et Samuel s’essaieront au surf. Pas sur qu’une vocation soit née mais ils ont testé avec succès leur persévérance.























Farniente à Zorritos
Et en bons lonesome cowboys, il nous faut reprendre la route.
Enfin, “il faut”… Disons qu’on a une sorte de planning, quoi. Et que l’on aimerait bien être en Equateur au début du mois de Juillet. Y’a pire comme échéance, non?
Comme expliqué, les axes principaux d’Equateur sont passablement bloqués ces temps-ci par les gilets jaunes locaux (les paysans voulant du diesel encore moins cher que 45 centimes, essentiellement). Nous décidons tous, la troupe de LaBelleAventure et nous, d’attendre aux abords de la frontière, aux aguets, que la situation s’éclaircisse avant de pénétrer notre 5ième et avant-dernier pays de ce voyage.
Cette attente se fera le plus agréablement du monde, à quelques kilomètres du petit village de Zorritos, Pas très loin de Los Organos d’ailleurs, à peine 2 heures de camion, dans une propriété propre et efficace en bordure d’une plage idyllique. Le jardin des lieux, c’est littéralement le sable infini et les vagues, a 10 mètres de nos grosses roues… Ce bon plan est fourni par un couple de suisses ayant fait construire là une maison tout confort et proposant de la place aux voyageurs de passage, moyennant obole raisonnable. L’endroit est isolé (10 minutes de tuc-tuc pour les courses, faut pas oublier le pain) mais c’est son intérêt principal. Ici, pas de bruit, pas de commerce ni restaurant. Juste la mer et nous.

















Une semaine ici pourrait paraitre long pour certains d’entre vous, mais pour les routards que nous sommes, c’est juste ce qu’il faut pour remettre le camion à flot, faire les lessives qui se sont accumulées, rattraper un peu le retard sur le planning scolaire, préparer les prochaines étapes dans ce nouveau pays qui nous tend les bras…et puis se baigner, siester dans un hamac, jouer avec les enfants, lire. La vraie vie, en somme! Et puis j’ai du m’absenter quelques jours. Cet endroit et nos amis était la meilleure formule pour Marie et nos 3 diablotins.
Quand l’Equateur s’ouvre enfin, nous sommes fin-prêts à passer la frontière, dégainer nos passeports, PCR factices en poche.
Le passage de frontière se fera sous un ciel gris et pluvieux mais passera crème. On ne peut réfréner une légère accélération cardiaque au moment du passage en douane d’un poids-lourd carte grise “collection” de 42 ans dans un nouveau pays. D’autant que la marque Magirus-Deutz n’existe plus et ne rentre pas dans leur logiciel, et que “casa rodante” (camping car) ne correspond pas tout à fait à notre gabarit. Mais ici, GEO les amuse, les intrigue. Alors ça discute plus sur l’aménagement du bébé que ça ne fouille les placards. Et tous me confient le rêve d’un jour partir sur un tel véhicule. Et quasi tous m’en demandent le prix aussi d’ailleurs, afin de tâter si c’est envisageable.
Dès les premiers kilomètres, c’est flagrant, le panorama est bouleversé. En 30 minutes à peine, les cailloux et ordures péruviennes trainant dans le sable des bas-cotés sont détrônés par une végétation de plus en plus luxuriante. Envahissante même. En guise d’accueil, la route de ce premier jour nous offre la vue d’une bananeraie d’au moins 20 km aux abords d’une 2×2 voies dans un état impeccable rarement vu jusqu’à présent. On se détend et se dit que l’objectif de dépasser Guayaquil, dès aujourd’hui sera finalement envisageable.







Guayaquil, ville la plus dangereuse du pays, ne fait pas partie de nos points d’intérêt et le but ultime serait de la contourner et la dépasser avant la nuit. Et ce sera chose faite! A la tombée du jour, nous sommes à une cinquantaine de kilomètres de cette mégalopole de 3 millions d’habitants, bien cachés au fond d’une station service de la campagne moite et luisante de ce nouveau pays.
Demain nous roulerons encore beaucoup pour mieux se poser.
Demain, nous rejoindrons la côte et partirons à la poursuite des baleines qui fricotent au large de l’Equateur en ce moment même.
Demain, nous prendrons le véritable pouls de l’Equateur.
Mais ca, c’est une autre histoire !
Stay tuned !
Vous trouverez les photos de ce bout de chemin ici
2 commentaires
Venant d’un Parisien j’ai trouvé le titre delicioso.
Footballistiquement Vôtre.
Je me suis bien régalée du récit!!! Bises la famille!!!!