Bolivia, coté mouillé

Apres avoir gouté jusqu’à l’écœurement à l’altiplano argentin ou bolivien, à ses horizons arides et ses villages si sobres, notre arrivée héroïque à La Paz (cf épisode précèdent) devint alors synonyme de vraie récompense, petit shot de modernité bien méritée, avec des vrais morceaux de glande et de fastfood dedans … Mais aussi promesse d’escapade humide et aventureuse qui nous enlèvera à la capitale pour nous déposer à Rurrenabaque, ville forestière bolivienne au départ de laquelle nous explorerons 2 écosystèmes: la « pampa » pendant 3 jours et la jungle pendant 2 jours. Une pause bienfaitrice, où l’oxygène retrouve un taux normal et la caillasse, la poussière et l’air sec font place à une végétation opulente et embrumée. 

le petit voyage qu’on vous propose aujourd’hui

Puis, de retour à La Paz après ces quelques jours d’abstinence de notre camion adoré, repus de sensations fortes, d’images de bestioles diverses et couverts des vestiges d’une guerre perdue contre les moustiques, nous nous rendrons au Lac Titicaca, ultime arrêt bolivien avant de pénétrer le 4 ème pays de ce périple: le Pérou.

Vous trouverez les photos de ce bout de chemin ici et

Rurrenabaque

Nous voilà partis pleine balle dans les rues de La Paz. Il est à peine 5 heures du matin et notre taxi nous conduit en un temps record à l’aéroport. Pas de trafic et donc l’occasion pour lui de faire un rally urbain en solo. 1 heure à peine porte à porte, en comptant le contournement de manifs pour je-ne-sais-plus-trop-quoi, chrono battu. Il est content, le chico.

Un chouia nauséeux, nous effectuons les formalités aéroportuaires d’usage (qui comportent évidement un petit déjeuner aux pancakes) et on embarque, tout excités de prendre un avion, et de se laisser porter par le doux ronronnement des réacteurs. Miam. Faire glisser sous nos yeux des centaines de kilomètres de route dégueulasse, c’est savoureux. Ces 45 petites minutes dans les airs nous évitent un calvaire. Les bus boliviens avalent ces 450 km  de route et piste défoncée en 20 heures non-stop, ça représente 3 bons jours de camion sans compter les avaries inévitables… Merci mais non merci, y’a pas moyen !

Ainsi, en moins de temps qu’il faut pour le dire, nous survolons une luxuriante foret, infinie, dense, haute, aux larges feuilles luisantes. Cette simple vue de verdure ruisselante donne la banane à 5 voyageurs collés aux hublots.

Atterrissage. La moiteur nous prend au bec direct. Après à peine 5 minutes de tuctuc, nous voilà au centre de Rurrenabaque, ville aussi chaude qu’humide. « Despacio » ici, hein. Pas d’activité inutile, surtout. C’est l’Amazonie et le thermomètre a grimpé d’au moins 25 degrés. Mais il y a aussi beaucoup d’ombre et au final, la vie semble beaucoup plus douce que la veille. Difficile d’imaginer que nous sommes ici dans le même pays. Quels points communs peut on trouver entre ces boliviens en short, bras de chemise, tongs, nourris aux fruits juteux qui poussent quasi dans la rue, et ces autres pauvres bougres, vivant dans les montagnes sans oxygène, habitant des maisons de terres sans eau courante, s’occupant de lamas sous un soleil sans pitié. On ne nait pas tous égaux, me dis-je.

Nous prenons nos quartiers dans une certaine euphorie dans un hôtel propre et spacieux, doté d’une piscine (remplie cette fois), accostée à une cantine qui nous servira régulièrement de délicieuses salades de fruits et des frites. L’hôtel accueille un concours de miss locales, ce qui permet à Elisa de faire la princesse (mais nous, on sait qui est la plus belle, pas vrai?). Bref, cette escapade amazonienne s’annonce de bonne augure. 

On fait un plouf, un slurp, un miam sans trop se fatiguer car le lendemain nous partons déjà faire notre première escapade : La pampa

La Pampa

La Pampa, ce sont les marécages et les abords du fleuve Alto Beni qu’il nous faut relier en 4 petites heures de 4×4. Une fois ses rives atteintes, nous changeons de véhicule et embarquons en pirogue, sévèrement motorisée, qui sera notre unique moyen de locomotion pour les 4 jours suivants. Et là les amis, attention les yeux.

Les premiers kilomètres nous amènent à notre lodge, ensemble de bungalows sur pilotis nichés dans la végétation en bordure de l’eau. « Lodge », « pilotis » ça sonne bien mais la réalité est bien plus spartiate: mur en moustiquaire, gecko et crapeaux dans la salle de bain, chauve-souris dans la charpente. Le véritable luxe, ce sont les fréquentes sorties en pirogue, dès potron minet, pour assister au réveil des animaux dans cette brume qui couvre l’eau presque stagnante du fleuve. Et jusque tard le soir, pour s’émerveiller de la mélodie nocturne de la faune, sous un ciel étoilé. Et puis j’avoue, le fait de rentrer de chacune de ces sorties et découvrir une table garnie juste pour notre groupe (nous 5 et un couple de jeunes amoureux qui ont bien voulu supporter 3 enfants surexcités) ajoute à l’expérience.

Durant 3 jours, nous avons fait moultes intrusions dans un monde où l’homme se fait discret. Nous vîmes des milliers d’alligators, baillants sur la rive et s’immergeant fissa à notre approche, des oiseaux pêcheurs de toutes formes et aux techniques sophistiquées, fixant le fond de l’eau et nous ignorant royalement,  des singes aussi petits que nombreux, curieux, jaunes et mignons trépignant a notre approche.  Avec des bouts de boeuf gros comme le pouce, Samuel et Jules nous ramenèrent des piranhas lors d’une pêche miraculeuse. Ca, ce sera le repas de ce soir. 

Le clou de ce spectacle ininterrompu ce sont les nombreuses (mais fugaces) apparitions de dauphins roses, véritables mascottes de la région, et avec lesquels nous avons pu nous baigner le dernier jour. Samuel aussi se jeta à l’eau ( à moins qu’on l’ait poussé ?). Courageux, le bonhomme.

Saupoudrez tout cela d’une bonne couche de moustiques évidemment, pour le folklore, et vous avez le tableau complet.

La Selva

On rentre de ce trip dans la pampa en lévitant. Jamais je n’aurais cru voir autant d’animaux. Et cette journée de repos à l’hôtel ne sera pas de trop pour retoucher le sol et préparer la suite.

Parce qu’on repart le lendemain, les p’tits gars (quand je vous dis que c’est pas des vacances, ce voyage !)

Cette fois, c’est la Selva, la joOongle, la vraie, qui nous attend ! Une heure 30 de pirogue depuis Rurre pour remonter le fleuve Beni et nous débarquer là où nous passerons les 2 prochains jours. 

Avant de savoir où nous logerons, nous faisons une courte randonnée en bord de fleuve. Première prise de marque avec cet environnement d’une rare exubérance végétale, où l’humidité  doit bien taper les 1000%. Les vêtements nous grattent et se plaquent à la peau. Au sol, chaque centimètre carré de terre aussi noire que grasse voit se tasser une dizaine de plantes, au moins. Certaines communautés, comme celle à laquelle appartient notre guide, vivent dans ce biotope épais et hostile… on est vraiment fragile, les parigots.

Et là, lors de la traversée d’une rivière, on le voit, chose rare: le jaguar ! Notre guide jubile comme si ce gros chat que l’on voit au loin signait déjà pour elle le succès du séjour.

Ca commence bien, non?

Sauf qu’on retourne au campement et on déchante un peu.

On découvre les lieux, un ensemble de maisons de bambou dont une large salle commune construite autour d’un arbre gigantesque, n’a pas été utilisée depuis la crise du Covid. Ni utilisé, ni maintenu. Il s’effondre littéralement. Pas de groupe électrogène donc pas d’électricité. Ok normal, on a vu pire. Mais dans ce lieu enfoncé dans une jungle si dense qu’il y fait quasiment nuit en plein jour, ça annonce des soirées compliquées. Les chambres sont humides et sentent le bois pourri. Quelques gros insectes, vite dissimulés à la vue des enfants, quelques chauve-souris encore…. il y a 15 ans, j’aurais rit. Mais là, les enfants se retiennent pudiquement de brailler, nous aussi, et la nuit va être longue.

Epousant le même constat, un couple de français, Matthieu et Malou, que nous avions brièvement croisés dans la pampa, partage avec nous les repas et la légère déception qui nous gagne.

Bon ne soyons pas bégueules, cette « selva » nous offrit tout de même une randonnée enrichissante (et sans les enfants héhé, restés au campement avec nos compagnons de jungle pour un atelier ” artesanias ») . On avance à la machette, comme dans les films. Cette balade prend toute son ampleur quand on se fait rincer par une pluie tropicale assourdissante. Beau souvenir.

Cette légère déconvenue de la Selva, même accompagnée d’une jolie dissentrie familliale, n’entama pas notre appréciation de l’Amazonie et c’est gorgé d’images et de sons que l’on rentre à La Paz, un peu groguis.

Copacabana

Ce 2eme passage à La Paz, en résumé, ce fut: re-burger, re-donuts, re-téléphériques et quelques petites visites. Tous ca en 2 ou 3 jours. Et on a remis les voiles.

J’avoue que je n’ai pas bien dormi la veille de reprendre la route. Tétanisé par l’abominable pente qu’il avait fallu monter pour arriver dans le camping ici et durant laquelle j’ai eu des sueurs froides. Je ressasse depuis plusieurs jours la manière dont je vais la descendre. Parce qu’évidemment, Marcos (l’exceptionnel maitre des lieux qui sait tout), me confirme tristement que c’est le seul chemin. Et si les freins lâchaient? et si l’embrayage cramait, et si… et si…? Je passe la soirée de la veille à relire le manuel du camion, vérifier les pneus, l’embrayage, comment actionner les rapports raccourcis de la boite de vitesse… Et puis on se dit Qu’il serait judicieux de partir à 5h du mat afin d’éviter tout contact avec la populace fourmillante de La Paz.

Allez, on y croit!

…Et ca se passe plutôt bien! Geo comprend notre stress et encaisse. Pentes insolentes dans les deux sens, virages en épingles, bords de toiture qui frôlent l’engin…2 heures après notre départ, 7 heures du matin donc, nous sommes sur les hauteurs de la Paz mais de l’autre coté, prêts à traverser sa banlieue Nord (El Alto), certes déjà réveillée et bouillonnante, mais relativement plate.

Ouf! we did it ! le reste du chemin pour Copacabana, sur les rives du Lac Titicaca, c’est de la cherloute.

Apres 2 heures d’une route plutôt facile (ou bien serait-ce l’expérience?) ponctuée d’une traversé en barge craquelante, nous abordons le fameux lac, d’une transparence d’eau minérale. Sur les conseils de Rob, l’anglais baroudeur rencontré à La Paz, nous le longeons en lisière de la ville pour trouver un endroit où se poser. On serre les freins à moins d’une dizaine de mètres des vagues glacées de ce lac mythique, plus haut lac navigable du monde, s’installant à 3800 m d’altitude et plongeant à 300m de profondeur.

On restera 4 nuits ici. Entre feu de camps, retrouvailles (notamment des Matthieu et Malou susmentionnés), et rencontres d’autres routards, garés à quelques encablures de notre mastodonte. On se délecte de la vue. On tente un bain…mais non, ce sera juste une vivifiante friction. L’eau doit être à 10 degrés max, y’a pas de honte.

La bourgade de Copacabana vaut le coup d’oeil. L’authenticité des lieux résiste vaillamment au tourisme qui renait doucement. Son marché embaumant la viande et les fruits sucrés, son chemin de croix grimpant à 4000m et vous arrachant les poumons mais offrant une vue spectaculaire, et surtout, sa célèbre cathédrale ayant pour particularité d’effectuer, tous les jours, la bénédiction de véhicules. On n’est jamais à l’abri, l’aide du bon dieu pourrait aider à retarder un peu la prochaine vidange ou éviter les nids de poules. Of course, Géo y passe. Affublé de guirlandes de fleurs et d’un joli chapeau, il est officiellement intégré à la famille du seigneur, Mazel tof ! on peut enfin conduire bourré l’esprit tranquille…

On visitera aussi l’ile du Soleil, là-bas au large, théâtre de croyances anciennes qui auraient vu la naissance du premier Inca, mais surtout théâtre pour nous d’une rando effrénée, où les garçons ont redoublé de courage pour ne pas rater le bateau du retour (ha, Elisa me souffle que la rando sur le dos de papa ne fut pas si terrible que ça, en fait) 

C’est pas le PEROU ? Si !

Et voila la fin de notre segment bolivien.

La frontière avec le Pérou n’est qu’à une vingtaine de kilomètres de Copacabana et c’est au midi d’un jour de beau temps (quoi d’autre, ici, où les nuages ne s’installent jamais) que nous passons sans encombre la douane et nous engouffrons, tout heureux, dans ce nouveau pays prometteur.

Les premiers kilomètres ne détonnent pas trop du pays précèdent. La ville de Puno que nous passons en début de soirée a même des allures de petite La Paz avec son urbanisme anarchique et ses dénivelés improbables. 

Seule particularité pour le moment: des dizaines et dizaines de stations services s’enchainent sans logique dans un semi-désert. On sera pas en rade. Par contre, les prix nous interpellent un peu. 16 soles le gasoil… soit 4 euros… ça peut pas être ça !? (en fait c’est le prix au galon, soit 4 litres. Ca rassure!  même si ça reste un peu cher en comparaison aux prix depuis le début du voyage)

Je vais faire simple: les jours suivants sont très (très) routiers. D’abord parce que nous sommes irrésistiblement attirés par Cuzco, ville qui nous laissa à Marie et moi un doux souvenir inca lors de notre premier voyage, mais aussi parce qu’il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent avant cela. Montagne, désert, montagne, désert…

Nous dégoterons tout de même, en fin de la deuxième journée et alors que la route de montagne nous laissât seuls depuis longtemps déjà, un improbable complexe d’eaux thermales, « dans son jus » mais salvateur. Il est vide, quasi, ouvert toute la nuit, et la dame de la réception nous autorise à dormir sur le parking.