A 6 jusqu’à Ushuaia

La guirlande d’accueil fut l’atelier scolaire du jour. Les ninos se sont appliqués et la voilà prête et installée, derrière le pare-brise. Les enfants ont aussi bien re-brossé leurs dents, le camion sent le produit de nettoyage. Nous mêmes avons fait brun de toilette approfondi alors …. Tata Jess peut débarquer! Et Tata Jess débarque enfin, avec Cristian, au camping de Puerto Santa Cruz, tout sourire, par cette belle après-midi d’été (gnagnagna, oui, 15 degrés, c’est l’été).

Les photos de ce bout de chemin sont ici

Retrouvailles à Puerto Santa Cruz

Ha Jess est là, et accompagnée de l’adorable Cristian. C’est un réel plaisir non dissimulé de se retrouver, d’autant que Jessica a suivi de près la préparation de ce voyage , depuis ses prémices, depuis des années. Et pouvoir en partager un bout avec elle sur les prochaines centaines de kilomètres, donne la sensation de boucler une boucle. Et nous allons la mener jusqu’en terre de feu, rien que ca!

On fête cette retrouvaille dignement avec un barbe.. pardon, une parilla ! dès le soir même. Quoi de plus argentin que de s’envoyer 1 kilo de boeuf chacun après un petit apéro en bord de mer ? Par « bord de mer », ôtez de votre imaginaire le Cannet en roussillon avec parasols , odeur de crème solaire et enfants jouant au jokari. Le bord de mer patagonien est tout au plus un trottoir plus large que les autres éclaboussé par de grosses vagues revanchardes, parfois herbeux et équipé comme ici de jeux pour enfants, sans plage, sans sable, et battu par ce vent froid du sud… Un charme different dira t-on. Qui s’apprécie en parka et chaussettes de ski.

Le lendemain de cette soirée pleine d’émotion et durant laquelle Cristian est devenu un copain, on replit tout le fatras (mais comment tout ce m…dier rentre t-il dans un si petit camion?) et on file tous, dans la cabine, vers le parque Nacional Monte Leon, qui tient son nom d’une colline en son centre qui, si elle est observée d’un certain endroit, avec un certain angle, et une imagination certaine, évoque un lion assis (si si, au bon endroit, c’est frappant)

El Parque Monte Leon

Le parque Nacional regorge surtout de collines et leurs guanacos, et de pingouins par centaines. Ca piaille, ça se dandine, ça se chamaille, ça négocie… la braderie de Lille, en smoking. 

En revanche, on réalise que beaucoup de ces palmipèdes ont eu la fâcheuse idée de croiser un prédateur vorace ou particulièrement sadique, au vu du nombre incroyable de carcasses sur les lieux… glacant. Quelques messages sur le comportement a tenir dans l’éventualité d’une rencontre avec les pumas explique sans doute un peu le tableau.

Sur ce, nous nous enfonçons en camion dans le parc, jusqu’à ce qu’un pont montre certaines faiblesses que nous n’osons tester. Ce sera l’occasion d’une pause café avec vue, et aussi celle d’assister au rituel du maté que Cristian décortique devant nous. En bon Argentin, c’est un buveur de maté compulsif et il a avec lui tout l’attirail: le bidule pour boire, la sorte de bipette avec le bitognot au bout, et le thermos (bon il y a des noms plus scientifiques évidemment, faut que je remette la main sur mes notes). On observe la préparation dans le silence le plus religieux: versement de la mixture, expulsion des poudres en suspension, degré de l’inclinaison de l’herbe dans la tasse (si si, sans blaguer), température de l’eau… et bien sûr on goute ! … et on comprend pourquoi le maté s’exporte si mal 😉 C’est d’une amertume sans nom. Chez nous ça s’appèlerait du « jus de gazon », vous voyez…

Et puis le soleil entame sa descente, la journée s’achève, et les amoureux retournent à Puerto Santa Cruz (il n’y a pas cinquante hôtels dans la région donc, zou, retour au bercail) tandis que nous continuons vers le Sud. Le plan étant de retrouver les tourtereaux à l’aéroport de Rio Gallegos le lendemain, pour le départ de Cristian. 

On dormira donc une vingtaine de kilomètres avant la ville de Rio Gallegos, en pleine pampa, au pied d’un mont qui abrite en son sommet une chapelle à laquelle on accède après un long escalier en lacet. L’ensemble, au crépuscule et baignant dans une bruine perçante est refroidissant. Au propre comme au figuré. Pour la météo, c’est sans doute la bande annonce de ce qui nous attend à Ushuaia.

Quand on pense que ce climat-là, c’est l’été (!), on verse pour les patagoniens qui eux ne changent pas de latitude en hiver, une chaude larme qui roule lourdement sur nos gore-tex et doudounes à plume d’oie .

Le moment de l’aéroport arrive, on quitte Cristian comme si on se connaissait depuis 20 piges, et on entame la route qui nous amène vers l’aventure avec un grand A: Ushuaia. 

Si dieu le veut, nous passerons les 2 frontières avec le Chili (un morceau de  150 km de Chili est inévitable) et traverserons le détroit de Magellan en 2 jours de route pour entrer dans cette ville mythique, à l’aura légendaire, capitale de la tierra del Fuego et du gel douche.

Frontières et refrontières

Le premier passage de frontière avec le camion remonte à Noël, pour s’introduire en Argentine. Il avait été relativement rapide, et nous espèrons la même chose ici, tant nos papiers sont en règle et qu’on sent tous le vaccin frais. 

Mais cette frontière est le seul passage alimentant la Terre de Feu et il faut s’armer de patience dans cette longue file de camions qui se forme, des centaines de mètres avant la barrière rouge et blanche.

Patience, paperasse de frontière, attente, puis paperasse de douanes et on nous fait signe de passer. Enfin. finalement, 3 petites heures seulement furent necessaires pour le tout. Et puis la traversée rapide de cette bande du Chili pour retrouver l’Argentine 200km plus loin afin d’aller a Ushuaia (90% des passages de cette frontière) est simplifiée à l’extrême (pas de PCR, ni de vaccin demandé). On s’est monté le bourrichon pour rien.

On se rejouit d’etre au Chili, sur une route bien lisse, à la bande bien jaune, et pourvue tous les 20 km de zones de repos avec electricité et poubelle (le Chili, niveau infrastruture, c’est queq’chose ma p’tite dame) quand dans le retro, un pick up des douanes nous poursuit, tous girophares clignotants et sirene hurlante. Y aurait-il un problème m’sieur l’agent? Oui, suivez nous! Avec plaisir m’sieur l’agent… Retour au poste. Ils avait oublié de fouiller le camion,  et dans leur bonne foi légendaire me font comprendre que quand un agent nous fait signe de passer, ca ne veut pas dire qu’il faut passer :/ et de me montrer le stop qui est … 20 m derrière.

Bon, un douanier ca fouille. Alors, ils fouillent. ils cherchent fruits et legumes qu’ils faut jeter avant de rentrer au Chili. Je m’en fous, je suis serein. Marie a fait le tri.

Jusqu’à ce que le douanier sorte du fond de la poubelle , en dessous du sac plein d’ordures, un sachet de 5kg de pommes bien rouges que ma dulcinée a eu l’excellente idée de planquer là. Le grand banditisme, Marie, c’est pas pour demain… (pourtant on avait regardé tous les Narcos avant le voyage).

Moment de solitude, pris la main dans le sac. Le douanier, heureux d’en avoir chopé un, nous inflige la petite leçon qui va bien, avec index réprobateur et confiscation de 2-3 broutilles… et zou, cette fois, c’est bon !

On parviendra à atteindre la barge qui passe un détroit de Magellan démonté par le vent et les vagues avant la tombée du jour et on passera la nuit quelques kilomètres plus loin, au milieu du rien de la patagonie chilienne, sans village, ni même construction, pas même un arbre pour nous protèger de ce vent à décorner des boeufs qui nous parut si fort sur le moment (hahaha les petits scarabées que nous fûmes alors…)

On finira cette courte mais nécessaire disgression chilienne le lendemain matin, après une matinée de route désertique et chahutés par des rafales inquiétantes. Jess commence à se dire alors qu’elle est piégée et en vient à regretter ses 35 degrés en terrasse a Buenos Aires de la semaine dernière… hinhinhin. Mais elle est polie, ne dit rien et encaisse comme une chef. On dirait presque qu’elle aime ça.

Une ville d’une taille surprenante, Rio Grande, nous offrit l’abri de la nuit suivante. Mais bon sang, qu’est ce qui pousse les hommes à construire des villes si grandes, si loin ? Pourquoi? Rio Grande dispose de plusieurs supermarchés (pour se faire une idée de la taille), de boutiques de fringues, d’une zone un peu industrielle, et d’un office du tourisme ! Quelle surprise, presque frustrante de confort, pour nous qui nous attendions a un baraquement de containers où habiteraient quelques scientifiques en doudoune (là ok, j’exagère).  Du coup, on met les nouilles chinoises de coté et pizzeria / bière, direct.

A ce stade, Ushuaia approche à grand pas et ça se sent, ça se voit ! sur la route qui nous y mène le lendemain, la piste s’ondule, les montagnes acérées au loin viennent perturber un horizon objectivement plat jusqu’à présent. Les bords de routes troquent leur sol sablonneux et buissons épineux contre de timides forets de pin et quelques lacs… ingrédients qui s’intensifieront au fil des bornes kilométriques jusqu’à leur paroxisme à Ushuaia.

Notre dernier stop avant cela est le lac Yehuin. Il est accessible par la route H qui s’éloigne judicieusement de la côte et nous évite le vent devenu un véritable obstacle à une conduite sereine. En échange, la piste vers le lac est cahoteuse mais pleine de cette promesse sauvage. Nous passerons la nuit là, aux abords d’un hôtel abandonné, sur les bords herbeux du lac. Ce cocktail de montagnes imposantes, de solitude, de murs tagués, et de froid rend l’endroit un rien inquiétant mais il offre l’abri souhaité, et des chevaux sauvages s’y sentent bien, c’est bon signe. Un spot de camping sauvage comme seule la Patagonie peut l’offrir. Un feu de camp, une ballade en canoé gonflable (première sortie pour ce beau bébé Decath de 6m… je crois qu’on a vu un peu grand), une tentative de pêche, des chamallows grillés, le renard du coin qui joue a cache-cache avec nous… le combo complet ! On le veut vraiment, l’avis 5 étoiles de Jess 😉 

Le Jour d’aprés? 

Ha mais le Jour d’après, C’est le graal.

Le jour d’après, c’est Ushuaia, les amis !

Alors on ne se pieute pas trop tard, au coucher du soleil (soit 23h). Il s’agirait de ne pas rater notre entrée dans cette mecque de routards du bout du monde !

Les photos de ce bout de chemin sont ici

7 commentaires

  1. serge hapiot dit :

    merci de nous faire partager ce beau voyage!

  2. jpbff dit :

    J’ai pris soin de choisir une musique appropiée pour la lecture…
    j’avoue, j’ai tripé ! 😉
    Les photos, un kif,
    et ça faisait plaisir de voir Tata Jess tout là bas……
    Bisous les routards..

    1. jonathetmarie dit :

      Coucou JP ! quel plaisir de savoir que tu nous lis! il faudra qu’on se fasse un Skype un de ces quatres ! Bisous

  3. jessica.verdie@yahoo.fr dit :

    Quelles retrouvailles!!! 🥰🥰🥰🥰

  4. mcvilallongue dit :

    toujours aussi fascinant vos récits , belles photos, des enfants heureux bisous à tous

  5. mzsje dit :

    Hallucinant, c’est un régal de te lire, on s’y voit..

  6. Régine et Pierre dit :

    Trop beau, merci de vos histoires …

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